Final Fantasy IX est de ces jeux qui marquent les esprits d’une empreinte bien plus particulière, réelle et forte que les autres, mais qui, pourtant, porte avec lui un message bien plus profond ! Il est de ces jeux qui traversent les âges sans pour autant savoir voyager, de ces jeux qui n’ont nulle autre ambition que d’exister pour exister. Il est de ces jeux qui est du genre à vous demander avant même de lancer une partie : est-ce que vivre, c’est prouver qu’on vit ?

Prologue

Entendons-nous bien dès le départ, ce billet n’a pour seule vocation que de me laisser déverser mon amour pour ce jeu. Mais bien sûr, on va tout de même creuser un peu la question…. Ou plutôt « les » questions, car c’est effectivement par le biais de diverses interrogations, représentées par les 8 personnages principaux, que le jeu se dévoile, petit à petit, et se dévoile surtout à quelques élu(e)s qui auront eu la persévérance de relier tous les éléments disposés ça et là. Et pourtant, même avec toutes ces indications, même en mettant un point final au scénario et au reste, le jeu garde un esprit ouvert, tout comme sa fin, sans vraiment prendre parti, à l’inverse de ses héros, forts, engagés, luttant contre quelque chose de plus puissant qu’eux… Un peu comme la vie, en réalité, qu’on aime parfois et détestons d’autres fois. Car Final Fantasy IX, c’est surtout ça : une ode à la vie !

Le jeu marie très bien le médiéval fantastique et le steampunk pour donner un univers très particulier, mais toujours attachant.

Des personnages hauts en couleurs

Généralement, dans une oeuvre, le héros évolue au sein d’un univers, plus ou moins crédible et avec plus ou moins de difficultés. Dans Final Fantasy IX, c’est plutôt l’inverse, car les personnages sont tellement enrichissants, attachants et pertinents que le monde autour d’eux s’efface presque de lui-même pour les laisser évoluer librement. Ce sentiment se ressent du début jusqu’à la fin du jeu : ce sont les héros (et le joueur) qui modèlent Héra (le nom du monde) plutôt que l’inverse.

Comme cité plus haut, chaque personnage débute le jeu avec une question existentielle, propre à son histoire et son vécu, et va tenter d’y trouver une réponse durant tout le jeu. Certains y parviendront, d’autres non… Ainsi, le héros « principal » (même si je considère qu’il n’y en ai pas vraiment) se nomme Djidane, un voleur/vagabond orphelin accoquiné à une célèbre bande : les Tantalas.


Rieur, éternel optimiste et surtout grand dragueur, Djidane se fait constamment tanner pour toujours vouloir aider les autres, même les plus cons, avec l’optique : « la vie est trop courte pour s’engueuler ! ». Ainsi, sa question personnelle est la suivante : « a-t-on besoin d’une raison pour aider quelqu’un ? ». Si cela peut paraître niais aux premiers abords, cette interrogation prendra tout son sens lorsque le joueur connaîtra ses véritables origines et son histoire.


Bibi, quant à lui, est un mage noir lié à l’antagoniste principal, Kuja, qui veut réduire le monde en poussière (classique). Ainsi, pour éviter de se salir les mains, il créa des mannequins vides, capables de manier la magie et d’obéir aux ordres, bref, de véritables machines de guerre magiques. Pourtant, on ne sait trop pourquoi, un de ces mages, le fameux (et mon préféré) Bibi, lui, s’est réveillé comme un nouveau-né, et avec son âme propre. Âgé de 9 ans, il est un véritable enfant, naïf et timide. Devant se battre contre ses « camarades-coquilles-vides », il se pose immédiatement la question de son origine. Comment suis-je né ? Pourquoi les gens « s’arrêtent » après un certain temps de vie ? Pourquoi les gens « arrêtés » vont sous terre ? Est-ce qu’un jour, je vais m’arrêter moi aussi ? Ainsi, sa question personnelle sera la suivante : « est-ce que vivre, c’est prouver qu’on vit ? ».


Les choses se gâtent lorsque Kuja (cité plus haut) décide de vendre ses mages noirs à une reine avide de pouvoir et de conquête, l’immonde reine Branet, qui gouverne la cité d’Alexandrie. Avec ses nouvelles armes, celle-ci décide d’attaquer tour à tour les royaumes voisins. Ayant flairée ce qu’il se tramait, sa fille, Grenat di Alexandros (renommée plus tard Dagga) décide de s’enfuir du château pour aller prévenir son oncle, roi du royaume voisin de Lindblum.

Qui pro quo étonnant, le roi de Lindblum avait lui aussi flairé l’entourloupe de Branet et décide de mandater les Tantalas pour aller kidnapper Grenat et ainsi la ramener saine et sauve chez lui. Pour ce faire, le groupe se fait passer pour une troupe de théâtre, censée jouer « je veux être ton oisillon » et doivent profiter du spectacle pour kidnapper la princesse. Vous vous en doutez, tout ne ce passera pas comme prévu, surtout lorsque le garde du corps de la princesse, Steiner, qui est un chevalier bourru, gaffeur et incroyablement con vient mettre son grain de sel. Il se retrouvera malgré-lui à repartir avec les voleurs.


Grenat est une princesse mal dans sa peau, qui a perdu le lien avec sa mère, et qui veut sauver cette dernière du mal qui la ronge. Elle ne trouve pas sa place dans un système qui ne la voit pas telle qu’elle est, mais plutôt comme une figure fixe et iconique. Elle possède également un pouvoir particulier, qu’elle partage avec Eiko (voir plus bas) : c’est une invokeuse ! Elle peut donc convoquer de puissantes chimères… Qui seront responsables de la destruction de la moitié du monde. Ainsi, son interrogation est la suivante : « on m’appelle princesse, mais je veux rester moi-même ! ».


Le chevalier Adelbert Steiner et très intéressant. Très lourd et gonflant en début de jeu, il révèle toute sa personnalité au cours du temps. Chevalier émérite, bien que con, il faut comprendre que pour lui, les ordres sont les ordres. La reine Branet est la meilleure, je veille sur sa fille, point ! Pourtant il se pose souvent cette question hyper-intéressante : « est-ce vivre que de consacrer sa vie à autrui ? », phrase magnifique suivie d’un non moins magnifique : « Qui m’apportera la réponse ? »


Pour résumer, là, nous en sommes à peu près à 30 min./1h de jeu et on se retrouve avec un chevalier tellement à cheval sur ses principes qu’il en oubli de vivre, un hors-la-loi tellement « je-m’en-foutiste » qu’il se moque de tout, une princesse qui pense que son horrible mère peut être sauvée à tout prix et un petit enfant magicien artificiel qui se demande où va la vie… Le tableau commence à se charger, et il manque 4 autres personnages… Lourd !

Grenat di Alexandros XVII, après sa montée sur le trône d’Alexandrie… (fin du disque 2/4)

Très vite, Freyja se joindra à l’équipe. Sa lance au service du royaume de Bloumécia (qui partira en fumée comme les autres), elle est à la recherche de son amour passé qui a subitement disparu du jour au lendemain. Elle le retrouvera, plus tard, totalement amnésique, et celui-ci ne recouvrera jamais la mémoire. Femme forte et solide, l’oubli de son ancien maître et amant l’a réduite à néant. Ainsi, son dicton est le suivant : « rien n’est plus douloureux que l’oubli ! ».


Kweena, quant à elle est l’opposée de tous. Elle se fout de tout, tant qu’il y a à manger. Son rêve ? Goûter tous les plats du monde et manger tout ce qui peut se manger. Elle rejoint le groupe d’une manière assez peu banale et, malgré son côté décalé, elle portera le même fardeau que les autres. « Je fais ce que je veux, ça te dérange ? ».


Eiko a 6 ans, et tout comme Grenat, c’est une invokeuse (au cas où, je précise que la faute d’orthographe est intentionnelle, ça s’écrit comme ça). Elle vient du bled le plus paumé du monde, Madahine-Salee, et vit seule avec ses petits copains mogs pour seule compagnie. Elle n’a plus de parents, est très capricieuse et porte en elle une solitude qu’elle camoufle en malice. C’est une enfant qui a grandit seule. « J’ai un sourire triste ? Euh… Oui… »


Le dernier, Tarask, est un baroudeur qui se fout de tout. Il en a presque marre de vivre, et son orgueil le pousse continuellement à défier des adversaires plus forts que lui. Son rival sera Djidane, qui bien que moins fort physiquement que Tarask, parviendra toujours à le dépasser de par sa force de caractère. Il déteste le côté « cul-cul » des choses, mais comprend avec le temps que le « cul-cul » plus l’envie d’y croire forgent le monde. « Mon désir ? Mes capacités ? Veux-tu que je te les montre à l’instant ? »


Voici le bad guy du jeu : Kuja. Venu de Terra, un « autre » monde, sa « mission » est de détruire Héra, ni plus ni moins. Mais, bordel, que ce personnage est bien écrit. À mon sens, il est l’un des héros les mieux écrits du monde vidéoludique. Si on devait le comparer à Sephiroth, je dirai que celui-ci est juste « badass », sans plus (un selfie avec du feu en arrière-plan n’en fait pas un méchant profond), alors que Kuja porte en lui la peur la plus primale de l’être humain : celle de mourir ! Il n’est pas particulièrement hyper-puissant, il ne cherche aucune reconnaissance, aucune gratification. Il n’a pas non été maltraité durant son enfance ou autre, il s’agit juste d’un homme artificiel terrifié à l’idée de mourir, et prouve que la peur provoque de mauvaises actions.

Un sens caché tragique

Désolé pour le chapitre un peu longuet sur les personnages, mais en soi, ils sont primordiaux, car ce sont eux qui porte tout le jeu sur leurs épaules. On ne peut tout simplement pas les zapper, ils composent Final Fantasy IX comme un chef d’orchestre sa troupe.

Le jeu, aux premiers abords, paraît enfantin et plutôt merveilleux, ce qui est le cas. Cependant, les thèmes abordés (le racisme, la vie, la mort, l’avilissement, la quête du « soi », etc.) sont tellement sérieux et tragiques la plupart du temps qu’il y a un contraste évident et puissant entre ce que le joueur voit dans le jeu et ce qu’il comprend dans la vie réelle. Le jeu s’amuse à flirter en permanence avec ces côtés tantôt intimistes, tantôt renversants, et le scénario, brillant, s’entremêle à la perfection avec toutes ces émotions fortes que le joueur a manette en main.

« L’attaque d’Atomos sur la ville de Lindblum ! Le jeu se place sous le signe de la tragédie ! »

La créature immonde, c’est Atomos, et c’est une invocation dont Grenat dispose. Seulement voilà, si la reine Branet veut retrouver sa fille durant la première partie du jeu, ce n’est pas vraiment pour la revoir en vie. C’est surtout pour lui arracher les chimères enfouies en elle et s’en servir comme armes ultimes contre les royaumes voisins (la maman sympa, quoi). Fine et douce en début de partie, Grenat révélera tout son potentiel à partir du 3ème CD, où, après que Kuja ait tué Branet, elle montera sur le trône et gouvernera Alexandrie. Sauf que, problème, comme ses chimères lui ont été enlevées, c’est désormais Kuja qui mène la danse !

Les héros sont témoins de nombreux drames, et sont la plupart du temps impuissants face à tant de cruauté. Pour autant, la vérité qu’ils découvriront par la suite terminera de les achever. Car, oui, Final Fantasy IX a une fin tragique… Du moins, pour celui qui réunira tous les morceaux et attendra sagement le générique de fin, et encore, si tous les neurones sont connectés.

Car, notez bien, Final Fantasy IX n’a pas une fin qui se « regarde », il a une fin qui se « comprend » !

Cela est encore plus vrai quand on s’arrête deux minutes sur le boss de fin : Darkness !

Darkness : allégorie de la mort !

Darkness est le boss de fin du jeu, et il débarque comme un cheveu sur la soupe. En effet, il apparaît lorsque le groupe parvient à défaire Kuja. Ce dernier se laisse alors sombrer dans la folie et la peur primale de la mort, qu’il refuse, et c’est ainsi que le terrifiant Darkness (la mort) apparaît. Dès lors, le combat final (que le joueur pensait être celui contre Kuja) prend une tout autre tournure : il faut combattre la peur de mourir !

« Lorsque l’inéluctabilité de la mort prend le dessus, la peur de mourir se réveille et devient insupportable. On se met alors à haïr la vie et à jalouser les vivants. »

Final Fantasy IX – Darkness
Darkness (Necron en VO), représente la peur de la mort !

Le fait que les héros sortent victorieux de ce combat dévoile un symbole plus fort qu’il n’y paraît aux premiers abords. En réalité, Djidane, Grenat, Bibi, Steiner, Tarask, Kweena et Eiko n’ont pas vaincu la mort elle-même, le symbole est qu’ils ont outrepassé leur peur de mourir, de voir la vie s’arrêter et s’éteindre. La victoire est alors merveilleuse et triste à la fois, car la mort est inéluctable et omnisciente, mais la peur de mourir, elle, peut se vaincre ! C’est pour cela que Darkness affirme pouvoir renaître indéfiniment : chaque être qui a peur de la mort et qui se laisse envahir par elle peut potentiellement faire revivre Darkness.

Le combat contre Darkness vu par Yoshitaka Amano.

Du début à la fin, Final Fantasy IX tente de faire comprendre que le message qu’il envoi et plus grand que les héros, mais surtout, plus grand que nous, joueurs ! Et il le fait de la manière la plus tolérante, la plus douce et la plus merveilleuse qui soit, allant même jusqu’au thème, chanté, du jeu « Melodies of Life », dont le titre parle de lui-même. Car non-content d’enchaîner les scènes tragiques et les drames, le symbole véhiculé est, lui, en total opposition avec ce que l’on voit : il faut apprécier la vie, et toujours se battre, car avoir peur de l’inconnu revient à se laisser mourir !

Pour autant, le jeu ne répondra jamais à l’une de ces nombreuses interrogations. Libre au joueur d’interpréter tout cela comme il l’entend, c’est ce qui est plaisant et frustrant à la fois, mais toujours logique, puisqu’il n’y a pas de réponse véritable au sens de la vie. C’est un peu comme un message personnel, brisant le 4ème mur, qui fait sous-entendre au joueur : « trace ta route, et trouve ton propre sens ! ». Magnifique…




N’en déplaise aux détracteurs, Final Fantasy IX est un jeu comme on n’en fait plus, c’est mon Final Fantasy préféré, et mon jeu préféré de tous les temps ! Jamais un FF n’aura réussi à toucher l’excellence autant que celui-ci !

Le jeu résumé en un regard : ne jamais avoir peur de voir plus loin que les autres !

Souvenez-vous :
Il est de ces jeux qui traversent les âges sans pour autant savoir voyager, de ces jeux qui n’ont nulle autre ambition que d’exister pour exister. Il est de ces jeux qui est du genre à vous demander après même que vous ayez arrêté votre partie : est-ce que vivre, c’est prouver qu’on vit ?

Auteur

Rédacteur lambda, simplement passionné par le jeu vidéo. J'avais déjà un pad dans le ventre de ma mère et je suis né en avance grâce à un cheat code.

2 Commentaires

  1. Un article magnifiquement écrit pour un jeu merveilleux (qui est également mon préféré). Il aura 20 ans mardi en plus et il n’a pas prit une ride ♥

    • Jibenc0 Répondre

      Merci, cela me touche beaucoup, je suis ravi qu’il t’ait plu 🙂 20 ans déjà !?! Ça rajeunit pas tout ça. ^^

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